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Contes, Jean de La Fontaine, Contes et Nouvelles en vers, 3ème partie : Les Rémois
Lettre A Madame de Coucy Abbesse de Mouzon (du couvent des Bénédictines de Sainte-Marie-de-Mouzon, dans les Ardennes)
 
Les Rémois

 Il n'est cité que je préfère à Reims :
 C'est l'ornement, et l'honneur de la France:
 Car sans compter l'ampoule et les bons vins,
 Charmants objets y sont en abondance.
 Par ce point-là je n'entends quant à moi
Tours ni portaux ; mais gentilles galoises ;
 Ayant trouvé telle de nos Rémoises
 Friande assez pour la bouche d'un roi.
 Une avait pris un peintre en mariage,
 Homme estimé dans sa profession:
 Il en vivait: que faut-il davantage?
 C'était assez pour sa condition.
 Chacun trouvait sa femme fort heureuse.
 Le drôle était, grâce à certain talent,
 Très bon époux, encor meilleur galant.
 De son travail mainte dame amoureuse
 L'allait trouver ; et le tout à deux fins :
 C'était le bruit, à ce que dit l'histoire :
 Moi qui ne suis en cela des plus fins,
 Je m'en rapporte à ce qu'il en faut croire.
 Dès que le sire avait donzelle en main,
 Il en riait avecque son épouse.
 Les droits d'hymen allant toujours leur train
 Besoin n'était qu'elle fît la jalouse.
 Même elle eût pu le payer de ses tours ;
 Et comme lui voyager en amours;
 Sauf d'en user avec plus de prudence,
 Ne lui faisant la même confidence.
 Entre les gens qu'elle sut attirer,
 Deux siens voisins se laissèrent leurrer
A l'entretien libre et gai de la dame ;
 Car c'était bien la plus trompeuse femme
 Qu'en ce point-là l'on eût su rencontrer :
 Sage sur tout; mais aimant fort à rire.
 Elle ne manque incontinent de dire
 A son mari l'amour des deux bourgeois,
 Tous deux gens sots, tous deux gens à sornettes.
 Lui raconta mot pour mot leurs fleurettes ;
 Pleurs et soupirs, gémissements gaulois.
 Ils avaient lu, ou plutôt ouï dire,
 Que d'ordinaire en amour on soupire.
 Ils tâchaient donc d'en faire leur devoir,
 Que bien que mal, et selon leur pouvoir.
 A frais communs se conduisait l'affaire.
 Ils ne devaient nulle chose se taire.
 Le premier d'eux qu'on favoriserait
 De son bonheur part à l'autre ferait.
 Femmes voilà souvent comme on vous traite.
 Le seul plaisir est ce que l'on souhaite.
 Amour est mort : le pauvre compagnon
 Fut enterré sur les bords du Lignon.
 Nous n'en avons ici ni vent ni voie.
 Vous y servez de jouet et de proie
 A jeunes gens indiscrets, scélérats :
 C'est bien raison qu'au double on le leur rende :
 Le beau premier qui sera dans vos lacs,
 Plumez-le-moi, je vous le recommande.
 La dame donc pour tromper ses voisins
 Leur dit un jour : Vous boirez de nos vins
 Ce soir chez nous. Mon mari s'en va faire
 Un tour aux champs ; et le bon de l'affaire
 C'est qu'il ne doit au gîte revenir.
 Nous nous pourrons à l'aise entretenir.
 Bon, dirent-ils, nous viendrons sur la brune.
 Or les voilà compagnons de fortune.
 La nuit venue ils vont au rendez-vous.
 Eux introduits, croyant ville gagnée,
 Un bruit survint ; la fête fut troublée.
 On frappe à l'huis ; le logis aux verrous
 Etait fermé : la femme à la fenêtre
 Court en disant Celui-ci frappe en maître ;
 Serait-ce point par malheur mon époux ?
 Oui, cachez-vous, dit-elle, c'est lui-même.
 Quelque accident, ou bien quelque soupçon
 Le font venir coucher à la maison.
 Nos deux galants dans ce péril extrême
 Se jettent vite en certain cabinet.
 Car s'en aller, comment auraient-ils fait ?
 Ils n'avaient pas le pied hors de la chambre
 Que l'époux entre, et voit au feu le membre
 Accompagné de maint et maint pigeon,
 L'un au hâtier les autres au chaudron,
 Oh oh, dit-il, voilà bonne cuisine !
 Qui traitez-vous ? Alis notre voisine,
 Reprit l'épouse, et Simonette aussi.
 Loué soit Dieu qui vous ramène ici,
 La compagnie en sera plus complète.
 Madame Alis, Madame Simonette,
 N'y perdront rien. Il faut les avertir
 Que tout est prêt, qu'elles n'ont qu'à venir.
 J'y cours moi-meme. Alors la créature
 Les va prier. Or c'étaient les moitiés
 De nos galants et chercheurs d'aventure,
 Qui fort chagrins de se voir enfermés
 Ne laissaient pas de louer leur hôtesse
 De s'être ainsi tirée avec adresse
 De cet apprêt. Avec elle à l'instant
 Leurs deux moitiés entrent tout en chantant.
 On les salue, on les baise, on les loue
 De leur beauté, de leur ajustement,
 On les contemple, on patine, on se joue.
 Cela ne plut aux maris nullement.
 Du cabinet la porte à demi close,
 Leur laissant voir le tout distinctement,
 Ils ne prenaient aucun goût à la chose :
 Mais passe encor pour ce commencement.
 Le souper mis presque au même moment,
 Le peintre prit par la main les deux femmes,
 Les fit asseoir, entre elles se plaça.
 Je bois, dit-il, à la santé des dames :
 Et de trinquer ; passe encore pour cela.
 On fit raison; le vin ne dura guère.
 L'hôtesse étant alors sans chambrière
 Court à la cave : et de peur des esprits
 Mène avec soi madame Simonette.
 Le peintre reste avec madame Alis,
 Provinciale assez belle, et bien faite,
 Et s'en piquant, et qui pour le pays
 Se pouvait dire honnêtement coquette.
 Le compagnon vous la tenant seulette,
 La conduisit de fleurette en fleurette
 Jusqu'au toucher, et puis un peu plus loin ;
 Puis tout à coup levant la collerette
 Prit un baiser dont l'époux fut témoin.
 Jusque-là passe : époux, quand ils sont sages,
 Ne prennent garde à ces menus suffrages ;
 Et d'en tenir registre c'est abus :
 Bien est-il vrai qu'en rencontre pareille
 Simples baisers font craindre le surplus ;
 Car Satan lors vient frapper sur l'oreille
 De tel qui dort, et fait tant qu'il s'éveille.
 L'époux vit donc, que tandis qu'une main
 Se promenait sur la gorge à son aise,
 L'autre prenait un tout autre chemin ;
 Ce fut alors, dame ne vous déplaise,
 Que le courroux lui montant au cerveau,
 Il s'en allait enfonçant son chapeau,
 Mettre l'alarme en tout le voisinage,
 Battre sa femme, et dire au peintre rage,
 Et témoigner qu'il n'avait les bras gourds.
 Gardez-vous bien de faire une sottise,
 Lui dit tout bas son compagnon d'amours,
 Tenez-vous coi. Le bruit en nulle guise
 N'est bon ici ; d'autant plus qu'en vos lacs
 Vous êtes pris : ne vous montrez donc pas.
 C'est le moyen d'étouffer cette affaire.
 Il est écrit qu'à nul il ne faut faire
 Ce qu'on ne veut à soi-meme être fait.
 Nous ne devons quitter ce cabinet
 Que bien à point, et tantôt quand cet homme
 Etant au lit prendra son premier somme.
 Selon mon sens c'est le meilleur parti.
 A tard viendrait aussi bien la querelle.
 N'êtes-vous pas cocu plus d'à demi ?
 Madame Alis au fait a consenti :
 Cela suffit, le reste est bagatelle.
 L'époux goûta quelque peu ces raisons.
 Sa femme fit quelque peu de façons,
 N'ayant le temps d'en faire davantage.
 Et puis ? et puis; comme personne sage
 Elle remit sa coiffure en état.
 On n'eût jamais soupçonné ce ménage,
 Sans qu'il restait un certain incarnat
 Dessus son teint ; mais c'était peu de chose ;
 Dame Fleurette en pouvait être cause.
 L'une pourtant des tireuses de vin
 De lui sourire au retour ne fit faute :
 Ce fut la peintre. On se remit en train:
 On releva grillades et festin:
 On but encore à la sante de l'hôte,
 Et de l'hôtesse, et de celle des trois
 Qui la première aurait quelque aventure.
 Le vin manqua pour la seconde fois.
 L'hôtesse adroite et fine créature
 Soutient toujours qu'il revient des esprits
 Chez les voisins. Ainsi madame Alis
 Servit d'escorte. Entendez que la dame
 Pour l'autre emploi inclinait en son âme ;
 Mais on l'emmène; et par ce moyen-là
 De faction Simonette changea.
 Celle-ci fait d'abord plus la sévère,
 Veut suivre l'autre, ou feint le vouloir faire ;
 Mais se sentant par le peintre tirer,
 Elle demeure; étant trop ménagère
 Pour se laisser son habit déchirer.
 L'époux voyant quel train prenait l'affaire
 Voulut sortir. L'autre lui dit : Tout doux.
 Nous ne voulons sur vous nul avantage.
 C'est bien raison que messer Cocuage
 Sur son état vous couche ainsi que nous.
 Sommes-nous pas compagnons de fortune ?
 Puisque le peintre en a caressé l'une,
 L'autre doit suivre. Il faut bon gré mal gré
 Qu'elle entre en danse ; et s'il est nécessaire
 Je m'offrirai de lui tenir le pied:
 Vouliez ou non, elle aura son affaire.
 Elle l'eut donc : notre peintre y pourvut
 Tout de son mieux : aussi le valait-elle.
 Cette dernière eut ce qu'il lui fallut;
 On en donna le loisir à la belle.
 Quand le vin fut de retour, on conclut
 Qu'il ne fallait s'attabler davantage.
 Il était tard ; et le peintre avait fait
 Pour ce jour-la suffisamment d'ouvrage.
 On dit bonsoir. Le drôle satisfait
 Se met au lit : nos gens sortent de cage.
 L'hôtesse alla tirer du cabinet
 Les regardants honteux, mal contents d'elle,
 Cocus de plus. Le pis de leur méchef
 Fut qu'aucun d'eux ne pût venir à chef
 De son dessein, ni rendre à la donzelle
 Ce qu'elle avait à leurs femmes prêté ;
 Par conséquent c'est fait; j'ai tout conté.


Tallemant des Réaux, dans ses historiettes, écrit à propos de La Fontaine "une abbesse s'étant retirée dans la ville (Ch. Thierry), il la logea, et sa femme un jour les surprit. Il ne fit que rengainer, lui faire la révérence, et s'en aller."

Cette historiette a peut-être un rapport avec la lettre à Mme de Coucy ..., ci-dessous :

 

            Très Révérente Mère en Dieu,
            Qui révérente n'êtes guère,
            Et qui moins encore êtes mère,
            On vous adore en certain lieu,
            D'où l'on n'ose vous l'aller dire,
            Si l'on n'a patente du sire
            Qui fit attraper Girardin',
            Lequel allait voir son jardin,
            Puis le mit à grosse finance.
            Les Rocroix, gens sans conscience,
            Me prendraient aussi bien que lui,
            Vous allant conter mon ennui.
            J'aurais beau dire à voix soumise :
            “ Messieurs, cherchez meilleure prise;.
            Phébus n'a point de nourrisson
            Qui soit homme à haute rançon.
            Je suis un homme de Champagne,
            Qui n'en veux point au roi d'Espagne;
            Cupidon seul me fait marcher. ”
            Enfin, j'aurais beau les prêcher :
            Montail ne se soucîrait guère
            De Cupidon ni de sa mère.
            Pour cet homme en fer tout confit
            Passeport d'Amour ne suffit.
En attendant que Mars m'en donne un, et le sine
            (Mars ou Condé, car c'est tout un),
            Comme tout un, vous et Cyprine),
            Je ne bouge; et j'ai bien la mine
            De ne vous pas être importun.
Votre séjour sent un peu trop la poudre;
            Non la poudre à têtes friser, ‑
            Mais la poudre à têtes briser :
            Ce que je crains comme la foudre,
           C'est-à-dire un peu moins que vous;
                   Car tous vos coups
                   Ne sont pas doux
                   Comme ils le semblent :
            Le coeur dès l'abord ils nous emblent.
            Puis le repos, puis le repas,
Puis ils font tant qu'ils causent le trépas.
Je vis pourtant, à ne vous point mentir" :
Que servirait de déguiser les choses ?
Mais comment vis-je ? et qu'il nous faut pâtir
Dans vos prisons, où l'on fait longues poses !
Noires ne sont, et pourtant sont mieux closes
Qu'aucun châtel. Quand léansl" on se voit,
Pleurs et soupirs ce sont boutons de roses :
On n'en sort pas ainsi que l'on voudroit.
            Aussi, quand on vous fit abbesse
            Et qu'on renferma vos appas,
            Qni fut camus's ? c'est le trépas.
            Que les champs libres on leur laisse
                                    Un peu,
                                    Je gage
       Qu’on verra s'ils sortent de cage,
                                    Beau jeu..
            Dessous la clef on les a mis,
Comme une chose et rare et dangereuse;
            Et, pour épargner ses amis,
Le Ciel vous fit jurer d'être religieuse.
Comme vos yeux allaient tout embraser,
Il fut conclu par votre parentage
Qu'on vous ferait un couvent épouser
Deux ans après se fit le mariage.
De s'y trouver votre bonté fut sage;
Sans point de faute Hymen en fit autant :
Mot ne sonnait ; et, quant à moi, je gage
Que de l'affaire il n'était pas content.
            Ce même jour, pour le certain,
            Amour se fit bénédictin ;
            Et, sans trop faire la mutine,
            Vénus se fit bénédi&ine;
            Les Ris, ne bougeant d'avec vous,
            Bénédi&ins se firent tous;
            Et les Grâces, qui vous suivirent,
            Bénédi&ines se rendirent :
            Tous les dieux qu'en Cypre on connoit
            Prirent l'habit de saint Benoît.

Vous vêtir d'or, ce serait grand dommage,
Puisque en habits sans coûts et sans façon
De triompher votre beauté fait rage;
Si qu'à la Cour elle en ferait leçon.
Pardonnez-moi si j'ai quelque soupçon
Que cet habit dont vous êtes vêtue,
En vous voilant, soit receleur d’appas :
N’en est-il point dont il puisse à ma vue
Se confier ? je ne le dirais pas.

 

 

 

Les Rémois

Les Rémois, gravure de Lancret, faisant partie de la Suite de Larmessin

 

 

 

 

Il n'est cité que je préfère à Reims ....

Je suis un homme de Champagne ...

Jean de La Fontaine

 

 

 

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